vendredi 21 novembre 2014

Poissonnerie Secretan

Philippe, Aïsha et John, les piliers de la Poissonnerie Secretan Philippe, Aïsha et John, les piliers de la Poissonnerie Secretan


Avec un nom comme ça, John Brawn aurait pu être agent secret. Eh bien non! A 17 ans, loin de la houle et des embruns, c’est au Monoprix des Sablons que ce jeune homme souriant, réservé au premier abord, a été happé par le chant des sirènes.


A l’époque, des poissons et de leurs écailles, John n’en savait quasiment rien. Destiné à un emploi de bureau après un premier diplôme obtenu sans grande conviction, il décide de changer de cap et choisit le supermarché comme nouveau terrain d’apprentissage. Malgré le peu d’encadrement du rayon poissonnerie, John intègre les bases, et se surprend à aimer travailler un produit par lequel il n’avait jamais été très emballé.


Tout petit, voir du poisson dans la glace sur les marchés, avec du citron autour, c’était assez étrange et pas très attirant, donc la première fois que j’ai dû vider un poisson j’étais sceptique. Mais en fait, ça ou autre chose, ça ne change rien !


Lorsqu’on lui demande ce qui a suscité chez lui un tel engouement pour le métier, il répond sans hésitation...


La dimension écologique !  J’ai vite appris et pris plaisir à économiser, optimiser, extraire le maximum du poisson pour en jeter le moins possible. Je me sens écolo à mon échelle (…) je récupère 65% du produit, tandis que la plupart  des poissonniers n’en retire que 50%. J’applique cette logique à la gestion des stocks : rien ne reste plus de deux jours sur mes étals, j’achète juste ce qu’il faut !


L’aventure en boutique commence alors tout naturellement.  Une façon pour lui de « réapprendre le métier » comme il dit. Et c’est d’ailleurs à cette même adresse, au 38 avenue Secretan, que John se forme au métier, pour de vrai cette fois. L’histoire d’une vocation donc, qui le conduit à racheter le commerce il y a 7 ans, suit à la faillite de son patron. Aujourd’hui à la tête d’une équipe de deux personnes « et demie » composée de sa femme Aïsha, de Philippe, et d’un troisième employé, présent  de septembre à avril, il est maître de sa boutique et se démarque par la sélection de ses produits, toujours dans un souci de qualité et de respect de l’environnement.


La quasi-totalité de ses poissons provient des côtes Atlantiques et est issue de pêche française, une exception cependant : les sardines ; ces dernières proviennent de Méditerranée, car « c’est là qu’elles sont le meilleur ». Un choix qui s’explique très simplement : ayant appris le métier auprès d’un Breton, il connaît ses fournisseurs et leurs produits sur le bout des doigts. La proximité de la côte Atlantique garantit également une fraîcheur optimale du poisson, qu’il va chercher à Rungis. Parmi ses fournisseurs, on compte Le Chat, Mas, De Marne pour les coquillages ou encore Gilles, grand importateur auquel il fait appel en cas de mauvaise pêche sur les côtes françaises, notamment pour le cabillaud et le lieu noir en provenance de Norvège ou du Danemark.


Saumon, colin, cabillaud, lieu jaune... Saumon, colin, cabillaud, lieu jaune...


Parmi les produits phares de la boutique, on compte le saumon écossais en Label Rouge, moins gras, il présente une chair particulièrement rosée, et a l’avantage d’être mieux traité que le saumon de Norvège, souvent tacheté de noir, signe de malmenage lors de la pêche.


En Label Rouge, il vend également la moule de Bouchot mais avoue sa préférence pour la moule du Mont Saint Michel, dont le fruit est plus charnu, plus orangé,  comparable à la moule espagnole.


Les moules de Bouchot en Label Rouge Les moules de Bouchot en Label Rouge


La Coquille Saint Jacques bretonne, elle aussi labellisée, ne remporte pas forcément le succès escompté auprès des clients. Sa noix jaune leur paraît moins attrayante, contrairement à la noix blanche de la Saint Jacques de Normandie, qui a l’avantage d’être tout aussi bonne tout en étant un peu moins chère.


Le bar et la daurade, pêchés le long des côtes françaises à Gravelines, dans le 59, sont également hautement recommandés par le patron.


Les huîtres, très demandées de novembre à février, sont achetées en direct, comme la Fine de Claire en provenance des Viviers de Cayenne, la Marine Oléron, et l’huître de Normandie pour la Pleine Mer.


Huîtres normandes et Fines de Claire Huîtres normandes et Fines de Claire


En ce qui concerne les produits importés, ils le sont toujours pour une bonne raison : en hors saison, il arrive à John de vendre de la sole en provenance de Norvège mais également du cabillaud ou du lieu noir en provenance du Danemark.  Les praires et les oursins quant à eux, sont généralement importés d’Islande car la qualité de ces derniers est tout simplement bien meilleure que ceux pêchés en France.


Lors de notre rencontre, John a insisté sur un point qui semble guider ses choix au quotidien : le respect de l’environnement. Loin d’être un sacrifice, interdire la pêche de certaines espèces plusieurs mois durant, est une nécessité selon ce poissonnier responsable. Une trêve de la pêche du cabillaud, de la lotte, du bar, de la daurade, du merlan et du turbot, de janvier à mi-avril le long des côtes françaises permettraient à moyen terme de renouveler les cheptels de ces poissons de plus en plus rares, car pêchés au moment même de leur reproduction. Il évite de vendre ces poissons hors saison et oriente le consommateur vers des espèces moins ancrées dans les habitudes alimentaires, comme le panga par exemple.


Les bigorneaux Les bigorneaux


Il  privilégie aussi les petits pêcheurs, plus conscients des enjeux de la trêve de la pêche lors des mois de reproduction.


En 10 ans de trêve de pêche pendant ces mois-là uniquement,  les cheptels de tous ces poissons seraient reconstitués.


John soutient également l’élevage, car certains poissons pêchés à l’état sauvage sont souvent capturés trop jeunes pour avoir eu le temps de se reproduire.


Je n’achèterais jamais un bar de moins de 30 cm de long, qui n’a pas eu le temps de frayer.


Il nous explique aussi comment d’autres méthodes, moins radicales, ont fait leur preuve, toujours dans une dynamique écologique en faveur de la faune marine.


Le prix du colin a bien baissé en un an grâce aux nouvelles techniques de pêches : les mailles des filets plus larges permettent de laisser passer les plus petits poissons pour qu’ils grandissent et se reproduisent.


Un colin entier certifié Pêche française Un colinot entier certifié Pêche française


 


L’absence de thon rouge sur son étal atteste également de son engagement pour la protection des espèces menacées.


Enfin, côté revente, les produits sélectionnés sont également de grande qualité et adaptés pour la plupart à une alimentation casher. Un choix qui s’explique par une demande élevée de la clientèle du quartier, à laquelle John a à coeur de s'adapter.


Une partie de la gamme casher Une partie de la gamme casher


A la poissonnerie Secrétan, John est parvenu à faire valoir ses principes éthiques, sa passion pour les produits de la mer, son écoute de la clientèle et l'amour du travail bien fait. Rendez-lui donc visite de notre part, il en sera ravi!


 


Camille Baudoin

Camille Baudoin.


Journaliste / camille.baudoin@guidedugout.fr



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